• Divagations

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    Le corps rêvé, en-deçà des chairs corallines, endormies, ouvertes au cortège spectral, aux projections dansantes, le corps hanté de regards croisés, rompu de désirs diluviens, traversé comme la Mer Rouge, images en procession, fugues allégoriques, le corps tour à tour couvé ou réquisitionné, bercé et discipliné, d'images votives en fantasmes perdus, le corps vaquant dans le temps effondré, à la dérive...

     

    Et le messager des abysses dit :

    Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles

    La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,

    Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...

     Ophélie abandonnée, brisée de songes, défaite.

    Au fond de l'antre carné, le cœur enfoui vagissant, calice des voix intimes, insistant, c'est le berceau rêvé de l'amour, des chères affections, d'essences inversées, bouche cordiale, cœur articulé turgescent comme un sexe, quant à lui condamné au silence, comme le ventre interdit, mais le cœur exubérant, en ses étranges profondeurs, nœud palpitant de mots d'ordre sanglants et de lettres volées.

    Et le poète divisé exulte :

    Mon cœur bat ! mon cœur bat ! Mon sein brûle et m'entraîne !

    Ah ! qu'il s'enfle, se gonfle et se tende, ce dur

    Très doux témoin captif de mes réseaux d'azur...

    La jeune Parque enchaînée à l'épreuve du corps parlant.

    Corps et cœur tissent les mots, du désir les écueils renouvelés, en étonnantes charades, qui miroitent étrangères, et dansent voilées à l'horizon du monde, images pourtant familières, comme la nudité même, les rêves bruissent de connivences, chant levé du corps, gonflé d'impossibles aveux, les rêves suspendus en strates filandreuses, dans les vastes espaces intérieurs de l'éternel dormeur.

    Et l'aventurier fulgurant témoigne :

    J'ai vu dans les lazarets des plaies béantes des blessures qui saignaient à pleines orgues

    Dans de sombres replis, des chants mémorables...

     

     

    Hélène Genet

    (Illustration : Odilon Redon, Orphée, 1903)


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